L’OMS révèle l’ampleur choquante des pratiques abusives de commercialisation des préparations pour nourrissons

2 mai 2022

L’OMS révèle l’ampleur choquante des pratiques abusives de commercialisation des préparations pour nourrissons

Le deuxième rapport d’une série de publications détaillant les pratiques abusives de commercialisation utilisées par l’industrie des préparations pour nourrissons, dont la valeur s’élève à 55 milliards de dollars des États-Unis, montre que les parents et en particulier les mères sont insidieusement et constamment ciblés en ligne

Les fabricants de préparations pour nourrissons paient des plateformes de médias sociaux et des influenceurs pour obtenir un accès direct aux femmes enceintes et aux mères à des moments de leur vie où elles sont les plus vulnérables. L’industrie mondiale des préparations pour nourrissons, dont la valeur est estimée à 55 milliards de dollars des États-Unis, cible les nouvelles mères sur les médias sociaux au moyen de contenus personnalisés qui souvent, ne sont pas reconnaissables comme étant de la publicité.

Un nouveau rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) intitulé Portée et impact de la commercialisation numérique pour la promotion des substituts du lait maternel met en lumière les techniques de commercialisation numérique vouées à influencer les décisions prises par les nouvelles familles concernant l’alimentation de leurs bébés.

Au travers d’outils comme des applications, des groupes de soutien virtuel ou des « clubs de nouveau-nés », des influenceurs rémunérés sur les médias sociaux, des promotions, des concours et des forums ou des services de conseil, les fabricants de préparations pour nourrissons peuvent acheter ou collecter des informations personnelles et envoyer des promotions personnalisées aux femmes enceintes et aux mères de nouveau-nés.

Le rapport synthétise les conclusions d’une nouvelle recherche pour laquelle quatre millions de messages relatifs à l’alimentation des nouveau-nés publiés sur les réseaux sociaux entre janvier et juin 2021 ont été échantillonnés et analysés au moyen d’une plateforme de veille commerciale sur les réseaux sociaux. Ces messages ont touché 2,47 milliards de personnes et généré plus de 12 millions de mentions J’aime, de partages ou de commentaires.

Les fabricants de préparations pour nourrissons publient du contenu sur les comptes de leurs réseaux sociaux 90 fois par jour environ et touchent 229 millions d’utilisateurs ; ce qui représente trois fois le nombre de personnes touchées par les messages d’information sur l’allaitement publiés sur des comptes non commerciaux.

Ce marketing omniprésent accroît les ventes de substituts du lait maternel et dans le même temps, dissuade les mères d’allaiter exclusivement, comme le recommande l’OMS.

Pour le Dr Francesco Branca, directeur du Département Nutrition et sécurité alimentaire de l’OMS, « voilà plusieurs décennies déjà qu’un terme aurait dû être mis à la promotion des préparations commerciales pour nourrissons. Le fait que les fabricants de ces préparations utilisent désormais des techniques de commercialisation encore plus puissantes et insidieuses pour accroître leurs ventes est inexcusable. Il faut que cela cesse. »

Le rapport s’appuie sur des données factuelles tirées de veilles sur les communications publiques postées sur les réseaux sociaux et sur des rapports de pays analysant les promotions pour les substituts du lait maternel, ainsi que sur une récente étude multipays auprès de mères et de professionnels de la santé visant à comprendre leur ressenti sur la commercialisation des préparations pour nourrissons. L’étude met en lumière la manière dont une commercialisation trompeuse renforce les idées fausses sur l’allaitement et le lait maternel, et dont elle sape la confiance des femmes dans leur aptitude à combler les besoins nutritionnels de leurs nouveau-nés par l’allaitement.

La prolifération de la commercialisation numérique mondiale de préparations pour nourrissons contrevient ouvertement au Code international de commercialisation des substituts du lait maternel (le « Code »), adopté par l’Assemblée mondiale de la Santé en 1981. Cet accord emblématique de santé publique a vocation à protéger les populations et les mères contre les pratiques agressives de commercialisation par l’industrie de l’alimentation infantile, qui nuisent aux pratiques d’allaitement.

En dépit de données claires démontrant que l’allaitement exclusif et continu est un facteur déterminant pour l’amélioration de la santé des enfants, des femmes et des populations tout au long de la vie, trop peu d’enfants sont allaités, comme le préconisent les recommandations. Si les stratégies actuelles de commercialisation des préparations pour nourrissons perdurent, la part d’enfants allaités pourrait encore diminuer, ce qui renforcerait les bénéfices des entreprises.

Le fait que ces formes de commercialisation numérique puissent échapper à la vigilance des autorités nationales de suivi et de santé illustre la nécessité d’adopter de nouvelles démarches en matière de réglementation de la mise en œuvre du Code et d’application de ses dispositions. Actuellement, les législations nationales peuvent être contournées par des activités de commercialisation émanant de pays transfrontaliers.

L’OMS a appelé l’industrie de l’alimentation infantile à mettre un terme aux pratiques abusives de commercialisation des préparations pour nourrissons, et les gouvernements à protéger les nouveau-nés et les familles à travers la promulgation, le suivi et l’application de lois interdisant la publicité et la promotion des préparations pour nourrissons.